J’ai grandi dans le Mississipi. Mon enfance était heureuse et ensoleillée. J’étais un garçon adorable, fin et sensible. Un seul détail déplaisait à mes parents : en grandissant, je fus capable d’avoir des visions du passé.

Cela me prenait par surprise, à n’importe quel instant, en touchant une personne ou en pénétrant dans un lieu. Ma famille tâcha de cacher cette différence à tous. Nous provenions d’un milieu aisé et je ne devais pas faire de vagues. Je fis mon possible pour taire mon don. Cependant, un jour, je vis clairement que mon père avait trompé ma mère. J’allais confier cette terrible nouvelle à cette dernière. Mon paternel le sut et me fit enfermer illico presto.
L’horreur commença à partir de cet instant. Quelques années plus tard, il y eut du soleil dans mon cauchemar. Alice Brandon. C’était la plus belle jeune femme que je n’avais jamais vu. Elle rayonnait de l’intérieur, exhalait une pureté à se damner.

Et puis, elle me ressemblait. Je vis d’un trait dans son passé ce qui faisait d’elle mon parfait pendant féminin : elle avait des visions de l’avenir.
Nous étions liés tous deux par ce don qui nous faisait transcender le temps. Je lui confiais mon pouvoir. Nous devînmes amis.

J’adorais la regarder rire, manger, parler. J’adorais voir le vent jouer dans ses cheveux brillants, jusqu’au jour où mes doigts se glissèrent entre ses mèches de soies. Elle ne s’en défendit pas. Pas davantage lorsque je pris ses lèvres, cueillant sur sa peau tiède ce rêve qu’elle rendait réel. L’enfer de notre internement sembla s’éteindre lorsque je fus tout contre elle.
Son rire était la plus belle des musiques, happant les cris des autres patients. Je vivais heureux auprès d’elle. Nous nous aimâmes d’un amour pur et cristallin. Elle était mon âme-sœur. Je lui faisais des promesses d’éternité. Je voulais qu’elle vive à mes côtés. Je voulais qu’on se sauve ensemble, c’était notre projet. Le temps n’avait pas de secret pour nous, mon Alice était ma promise.

Mais ce jour vint où tout bascula. Alice avait eu une vision terrible concernant l’un des médecins. Son grand cœur la portait à vouloir l’aider à tout prix. Je lui assurais que parler c’était mourir, qu’il fallait faire semblant de ne plus rien voir, que c’était la clef pour nous faire oublier. Elle ne m’écouta pas. Le médecin ne la crut pas. Elle insista. Elle savait que parler pourrait permettre de sauver sa vie. De ce fait, on voulut la faire taire pour toujours.

Il fut décidé qu’elle serait lobotomisée. Je crus mourir lorsqu’on emporta ma moitié vers le billard. Je me débattis et on me donna une lourde dose d’anesthésiant. Je savais que mon tour suivrait et, à vrai dire, je voulais moi aussi perdre conscience. Je voulais disparaître puisqu’Alice n’était plus là.
Lorsque je pus la revoir, dans la salle commune de l’établissement, elle était toujours aussi belle, aussi étoilée. Je crus, que, d’une manière ou d’une autre, son pouvoir l’avait protégé. Mais en m’approchant, je vis que son regard était vide.

Je la pris dans mes bras, la serrais contre moi. Je savais une chose : la lobotomie n’ôte pas l’âme d’une personne, elle empêche simplement d’y accéder. Quelque part, dans le corps parfait de cette jeune femme immobile régnait encore mon âme-sœur. Elle dansait dans un champs en plein été en riant, ce champs que nous avions imaginé ensemble et dans lequel ensemble nous nous égarions en rêve souvent. C’est ainsi que je la voyais. Et, en posant mes mains sur elle j’eus la vision de ces dernières pensées : elle et moi dans ce champs pour toujours.

Je passais les mois qui suivirent à prendre soin d’elle. À lui parler. Elle ne répondait pas. N’était pas là. Les médecins m’oublièrent. Nous oublièrent. Et moi aussi, je commençais à m’oublier. Parfois, je rêvais de nous rendre la liberté tous les deux et nous poussant du haut d’une falaise mais encore fallait-il que je parvienne à nous faire sortir de là.

C’est là qu’un médecin différent arriva. Il avait la peau blanche et superbe. C’était un homme étrange. Il vit aussi qu’Alice et moi étions différents. Et je compris plus tard à quel point il était face à un dilemme. Donner l’immortalité à Alice lui permettrait de la sauver, mais c’était prendre le risque de créer un monstre qui prendrait d’autres vies. Cet homme était un pacifiste dans l’âme. Il se laissa le temps de la réflexion.

Jusqu’à ce que James, un être comme lui, mais aux noirs projets, s’intéresse à Alice. Du moins, jusqu’à ce qu’il sente son odeur…

La traque avait commencé. Le médecin nous emmena loin du centre, pour ma plus grande joie. Il m’expliqua qu’il comptait tous deux nous transformer. J’aurais tout accepté. Il me mordit le premier. Malheureusement, avant d’avoir eu le temps de mordre Alice, James débarqua, ayant trouvé notre repaire. Le médecin prit la fuite avec mon âme-sœur. Je souffris pendant trois jours jusqu’à ce que je puisse enfin disposer de mes nouvelles aptitudes. Tout avait changé, tout était plus clair.

Une brève enquête m’apprit que le médecin avait réussi à transformer Alice, mais que James, arrivé trop tard, avait tué notre bienfaiteur par vengeance. Il n’avait pas touché à mon aimée qui ne l’intéressait désormais plus.
J’étais fou de joie, elle vivait encore ! Quelque part ! Et elle avait retrouvé son âme, étant donné que la mutation avait réparé chaque fibre de son corps et de son cerveau. J’étais plus heureux que jamais.

Je me disais qu’une vision l’informerait forcément de ma présence, de mon attente, de mon amour… Mon enquête pour la retrouver était difficile, certes, car il fallait maîtriser ma soif toute neuve… pour pouvoir questionner les passants. Seulement, ma motivation était plus forte que jamais.

Je la trouvais, ce soir-là, entrant dans un restaurant alors qu’il pleuvait. Elle traversa la salle en entier. Je la voyais de dos, sublimée par sa transformation. J’étais dehors, la main sur la poignée, figé par la joie de la retrouver. Le destin nous avait-il réunit ?

Elle s’assit à une table devant un vampire que je n’avais même pas remarqué, aux yeux rubis d’une tristesse incroyable. C’était un grand blond doté d’une indéniable beauté. Il la regarda un peu surpris. Elle lui parla. Et je sus qu’il était à elle et qu’elle était à lui.

C’était lui que ses visions lui avait montré. Lui qu’elle devait sauver. Lui qu’elle aimerait pour toujours.

Elle avait sûrement tout oublié de son passé. Même si la transformation l’avait ramenée à elle, la lobotomie avait effacée sa mémoire d’humaine…
Elle n’était plus à moi. Ce lien intemporel était brisé.

Je partis.

Ma vie fut ensuite une série de choix dont je ne suis pas très fier. Je n’aurais pas voulu être à la place des humains qui croisèrent ma route.
Puis, je pris la décision d’explorer l’art sous tous ses aspects.
J’ouvris des galeries et je passais même quelques temps chez les Volturis, eux-mêmes se déclarant maîtres des arts.

Je gardais un œil sur les Cullen qu’Alice avait rejoint. Une famille pacifiste… Je ne crois pas que j’aurais su mener une telle vie. J’aimais trop le sang, j’étais incapable de m’arrêter. C’était sûrement la raison pour laquelle les visions d’Alice l’avait attiré vers un autre. Ce Jasper avait sûrement la force en lui d’arrêter les meurtres, pas moi…

Puis, le comète tomba… Je redevins humain sans le moindre pouvoir. La vie neutre que j’aurais pu avoir, simple, était désormais à disposition. Je fus soufflé. Malgré moi, toutes mes pensées allèrent vers Alice.
Elle aussi devait être redevenue cette jeune femme que j’adorais regarder, dans les cheveux de laquelle, mes doigts adoraient se glisser. Son rire. Ce champs… Elle était morte en tant qu’humaine en pensant à moi. J’avais donc imaginé qu’elle ne m’appartenait plus, mais désormais, elle était redevenue humaine.

Riche, il ne fut pas difficile de la traquer, malgré toutes ses dispositions pour se protéger. Elle partit en Grèce avec son mari. Je les suivis.
Je me souviens parfaitement de la première fois où je m’adressais à elle. Elle était à la fois la même que celle dont j’étais amoureux, même âge, même sourire, et pourtant différente. Elle n’avait aucun souvenir de moi. J’osais pourtant lui avouer que je savais qu’elle était un vampire, ayant entendu parler des célèbres Cullens. Mais je n’eus pas le cœur à lui avouer toute la vérité. Notre passé.

Pourquoi ? Parce que même redevenue humaine, elle n’était pas davantage à moi. Elle aimait son mari profondément et il le lui rendait bien. Même si j’étais un monstre, comment aurais-je pu me mettre entre eux ?
Je profitais des rares instants auprès d’elle. De son sourire. De son regard pétillant. Cela me rappelait les meilleurs moments de ma vie. Désormais, plus d’avenir, plus de passé dans nos esprits. Nos dons envolés… Il était temps que je fasses le deuil de cet amour qui avait brillé et s’était éteint. Elle m’avait sauvée. Je l’avais aimée. Et maintenant, je lui rendais sa liberté.
Là, dans ce champs ensoleillé, mains dans la mains, nous nous étions endormis. C’était sa dernière pensé avant qu’on la lobotomise. C’était notre dernier moment. Je devais l’accepter.

Lorsqu’Alice et son mari quittèrent la Grèce pour la France où ils retrouveraient leur famille, je pris la décision de chercher après les Volturi, j’avais besoin d’une nouvelle famille moi aussi…

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